La préfecture de la Kozah et ses environs vont comme à l’accoutumée vivre du mi juillet à mi août 2024, les rites initiatique Evala chez le jeune garçon et Akpema chez la jeune fille. En marge de ces activités hautement culturelles et cultuelles, s’organise une exposition inédite des œuvres d’Arts Plastiques réalisées sur le rituel d’initiation religieux «AKPENDU» de la jeune fille LAMA (peuple surnommé Kabyè) au mariage. Placé sous le haut patronage du ministère de la culture et du tourisme et sur le parrainage de la commune Kozah 1, le marché des Arts du Kara en collaboration de Halou Kerewa Création/sac Art et Harmonie Kozah organise la troisième édition de Expo KAR’ARTS Evala2024. Cette activité qui se déroulera du 13 au 21 juillet 2024 à TILITU LAB , dans l’enceinte de la maison des jeunes de Kara sis à côté de l’hôtel Kara vise d’une part à : Rendre visibles les créations des Artistes Plasticiens installés dans la Kozah et de la diaspora; Informer les Autorités Nationales et Locales sur les futures activités du Marché des Arts de Kara ; Prendre contact avec le public et le sensibiliser pour mieux faire connaître l’Art et ses impacts économiques, culturels, sociologiques et amorcer avec les autorités locales une véritable politique d’identification de cartographie artistique et de conservation du patrimoine culturel de la Kozah. D’autres part, à en croire Mme Atafeinam BELEI, Promotrice Culturelle, Présidente de l’Association ART HERITAGE CULTURE, Initiatrice et Promotrice de la dite exposition, au travers de la production artistique d’oeuvres d’Arts Plastiques ethnographiques, l’activité va aborder la dimension métaphysique, les préliminaires et préparatifs du rituel, l’interprétution du rite et la symbolique liée, la portée des sacrifices d’action de grâce et de consécration à Dieu, l’aspect surnaturel, ainsi que le Sens caché (réservé aux seuls initiés) du rituel d’initiation des jeunes filles Lama (Kabyè) dénommé Akpendu.
«Nous souhaitons également percer comment s’opèrent les actes progressifs et symboliques d’intégration des jeunes initiées dans la communauté des adultes, ainsi que comment le rite du contrôle de la virginité (au sanctuaire), est un acte social de portée éducative et politique ayant valeur religieuse en Pays Kabyè.»
Au-delà d’une simple imagination humaine, la sagesse traditionnelle autour de ce rite Akpendu devient une réalité irréfutable, fortement ancrée dans la mentalité du Peuple Kabyè. Malgré la colonisation, l’introduction des religions étrangères (Judaïsme. Christianisme et Islam), le néo-colonialisme, ces pratiques ancestrales continuent d’être utilisées et transmises pour conserver la cohésion et l’équilibre social.
«Au travers d’une étude approfondie, basée sur des enquêtes de terrain, l’observation, les témoignages des initiés, les interviews des détenteurs des us et coutumes Kabyè et la technique documentaire, nous envisageons la création artistique, sur des supports visuels bien définis, d’œuvres d’arts uniques et ethnographiques, reflétant la pensée profonde et singulière de ce peuple», a expliqué Mme Atafeinam BELEI, épouse Kadanga, la promotrice.
«Lors des cérémonies d’initiation, les jeunes gens… subissent des épreuves destinées à mesurer leur maturité physique et morale: il leur est dispensé un enseignement qui dévoile progressivement les arcanes de la religion traditionnelle. On leur inculque le respect des lois de la société. L’initiateur incarne le génie qui instruisit les hommes et le sens de l’initiation est rappelé: l’adolescent meurt à sa condition d’enfance pour naître à sa condition d’adulte»,Jean LAUDE, in «Les arts de l’Afrique noire», 1966.
Durant une semaine, près d’une quinzaine d’artistes de peinture et de sculpture issue des Artistes Plasticiens installés dans la Kozah et de la diaspora vont tenir à l’haleine les peuples LAMA et les fidèles des luttes Evala en les plongeant dans la genèse des rituels d’Akpéma à travers des œuvres d’Arts réalisées conformément à l’historique authentique bien fouiné par la promotrice. Du préliminaire à la clôture de l’initiation de la jeune fille Akpenu, en passant par les preparations lointaines , la manifestation solennelle, la retraite , l’événement gratuitement accessible aux publics s’annonce très riche en découvertes, en images et en couleurs bien entendu par des professionnels des Arts plastique sous le regard bienveillant des gardiens des us et coutumes, des autorités du ministère du tourisme et loisirs et surtout de l’initiatrice du projet. Notons que les Evala 2024 se déroulent également du 13 au 21 juillet.
En attendant le rendez vous Kara, votre journal Chronique de la semaine vous propose un avant goût de quelques aspects des rites d’initiation traditionnelle et religieuse de la jeune fille Kabyè depuis la naissance jusqu’au mariage.
A-Préparations lointaines de Akpendu.
a-Le choix des parents
Dans la société traditionnelle Kabyè comme chez beaucoup d’autres peuples d’expression négro-africaine, le mariage revêt un caractère important dans la vie de l’homme et de la femme. Il appelle de ce fait la participation effective des parents des deux familles et de leurs alliés. Dans le temps (jusqu’à il y a à peine 100 ans), le choix des fiancés relevait de l’autorité des parents dès le bas âge dans la plupart des cas. En effet, deux étapes majeures sont à noter dans ce processus:
b. Dès l’apparition des premiers signes de grossesse, le premier parent d’un petit garçon qui constatait cette situation, courait vite dans la forêt pour couper un gros morceau de bois mort appelé Rékoukoulouwa, pour venir donner à la femme enceinte, afin qu’elle se réchauffe par temps de froid. Cette dernière comprenait alors les intentions du parent et le remerciait.
a. A la naissance, s’il s’agissait d’une petite fille, la mère du petit garçon apportait une boule de tabac; et vers l’âge de 8 ans le père ou la tante du petit garçon (puya eveleya) va domander la main de la petite fille (puya peleya) à la mère, qui à son tour discute avec son époux avant de donner son accord . Si les parents de la fille sont d’accord, la première dot:» posu-i», consistera à donner un panier de petit mil : c’est le contrat de fiançailles.
Cette dot est entretenue par les parents du jeune garçon et est versée annuellement à la famille de la jeune fille. En dehors des dons en nature, la famille du fiancé doit assurer les prestations de services dans le champ du futur beau-père. De temps à autre, la jeune fille fait des cadeaux symboliques de roconnaissance à la famille de son fiancé. Mais ce geste qui se manifeste dans l’offrande de pots de boissons ou aide manuelle de la jeune fille à la mère du jeune homme, n’a rien d’équivalent avec les travaux du flancé enrichissant la famille de la fiancée. Le choix des parents n’a rien d’impératif, mais vise plutôt à assurer à leurs enfants un avenir serein. C’est d’ailleurs pourquoi ce choix se fait souvent entre familles amies dignes de confiance. Ils considèrent leur choix comme faisant partie de leurs responsabilités dans l’éducation des enfants. A l’âge de 17-18 ans, la jeune fille est devenue pélè et le jeune homme ewaziè. A cette période se fait la présentation des fiancés par les parents, si cela n’avait pas été fait déja. A cette période, le jeune homme (âgé d’environ 20-22 ans), peut subir le premier rite d’initiation pour accéder au rang des adultes en devenant evalu. Le garçon à ce moment- là, prend sa part de responsabilité dans le domaine de la dot et des prestations de service qui, jusque-là, étaient exercés uniquement par ses parents. Les fiancés ayant ainsi pris connaissance l’un de l’autre, apprennent à se connaitre pendant plusieurs mois ou années avant le mariage.
L’alliance contractée entre les deux familles se trouve renforcée par la qualité de la dot: 10 à 12 estagnons de mill, 30 à 40 tubercules d’ignames de 5 à 15 kg, des bottes de pailles. La dot atteste la volonté de service, la maturité psychologique, la capacité du Jeune homme d’entretenir une femme et sa détermination d’épouser le moment venu, la fille qui lui est destinée.
Si la jeune fille ne veut pas du garçon qui lui a été proposé, elle refusera la dot offerte. Et si après plusieurs interventions des anciennes et des anciens, elle persiste dans son refus, alors les parents du jeune homme chercheront une nouvelle fiancée pour leur fils. Cette liberté laissée à la jeune fille (âgée de 9 à 13 ans au moins) de ratifier ou non le choix des parents, montre que le choix de ceux-ci quoique important, demeure une proposition qu’entérineront les sujets concernés quand ils auront pris connaissance de ce choix avant ou à partir de la puberté.
Par ailleurs, le jeune garçon peut aimer une fille et la proposer à ses parents pour qu’ils engagent les négociations d’alliance avec la famille de la fille. L’accord des deux familles est toujours nécessaire pour assurer un avenir prometteur aux futurs époux, car ils se sentiront protégés par leurs parents à tous les niveaux. Ils sont chargés de les préparer progressivement au mariage et d’assurer la stabilité du jeune foyer en temps de crises entre les conjoints.
B-Préparations immédiates
Quelques mois avant la période d’initiation, le père de la fille porte à la connaissance de l’oncle maternel de sa fille et au père du fiancé, que le moment est arrivé d’élever sa fille au rang des adultes par les cérémonies d’initiation.
Dès le début de la saison sèche c’est à dire vers (décembre janviers) , les parents préviennent les oncles maternels de la jeune fille et la famille de la grand-mère maternelle (tchozonadè) «Lorsqu’il s’agit d’une aînée, les parents offrent à chacune des deux familles un mouton ou une chevre, pour «avertir» les ancêtres des deux familles. A cette intention, on immole un petit poussin dont on verse le sang sur les mottes de terre représentant ces ancêtres (koumola); à cette occasion on peut ou ne pas tuer les bêtes offertes. Mais lorsqu’il s’agit d’initier ou de marier les cadettes ils iront simplement les prévenir sans rien leur apporter».
La mère de la jeune fille cherche ensuite de la farine pour donner aux jeunes fillettes, non encore initiées (piya peleysi, singulier: puya peleya) pour être les filles d’honneur appelées kakpeisi, qui assisteront la jeune Akpenu durant toute la période des initiations de juillet à fin août selon les cantons.
Le fiancé aussi de son côté participe à la recherche des filles d’honneur en donnant un bol de riz décortiqué à chacune d’elles ou autre cadeau symbolique. L’argent n’est pas exclu. Leur nombre est indéterminé. Il participe aussi à la recherche des objets devant servir à l’exécution du rite, à savoir dooka, cangbalaa, kponay, Êðåm
Le père de la fille de son côté apprête 1 on 2 hadisi de mil en vue de la préparation de la boisson durant les jours de sacrifices de consécration aux ancêtres paha-i danaa et les bêtes pour le sacrifice. Il faut noter que la consécration proprement dite aux ancêtres est obligatoire pour toutes les filles. On parle de sacrifice d’action de grâce de présentation et de communion avec les ancêtres. L’oncle de son côté fait les mêmes préparatifs pour accueillir sa nièce.
Le fiancé se prépare aussi à accueillir sa fiancée et toute sa suite en apprêtant quelques estagnons de mil pour la boisson et le reste sera emporté par la flancée et ses filles d’honneur en retournant dans leur maison d’initiation. Le travail des kakpeisi est d’assurer la plupart des travaux ménagers tels que, chercher du bois dans la forêt (rasi djawo), moudre le mil sur la meule en pierre (molom nawou), recueil des feuilles et herbes pour nourrir le bétail (hato gbezo)…
I-La Retraite (Akpema su numu)
C’est le moment où la jeune fille proposée à l’initiation prend conscience du changement d’état qu’elle va effectuer par les différents rites qui la mettront en face de ses futures responsabilités conjugales et domestiques, ainsi que de sa place dans la société
Par leur présence et leur participation aux divers travaux domestiques, les kakpeisi représentent un soutien moral non négligeable pour leur aînée qui se voit contrainte par l’âge et la loi sociale de quitter la vie des adolescentes (vie de liberté) pour des tâches plus responsables dans la famille et la communauté villageoise
II-Le rite de purification
Le soir de la veille de la retraite ou le matin du premier jour de la retraite, les Akpema reçoivent des scarifications sur les joues, le front et parfois sur le ventre, de nos jours sous les oreilles. C’est par ces scarifications, qui laissent souvent des caractères indélébiles, qu’on reconnaît femmes ayant subi les rites d’initiation de akpendu
Ces scarifications sont les symboles de la purification psychologique visant le changemen de mentalité et d’état de vie chez les initiées. Aussi constituent-elles un objet de fierté pour les femmes qui les portent. Il n’est pas rare qu’en cas de conflits avec leurs voisines n’ayant pas subi ces rites, les femmes en tirent profit pour se moquer d’elles. Elles apparaissent aussi comme des éléments esthétiques de la beauté féminine
Le jour de la danse des Evala, elles se rendent sur les lieux de la danse, la tête couverte d’une natte en raphia ou de doum pour ne pas être vues du public et montrer ausi par ce signe que la retraite continue.
III-Les rites d’intégration au rang des adultes (Ariywa)
A Somdina, la veille du sacrifice d’action de grâce en l’honneur des ancêtres (le soir de hodo lundi) chez l’oncle maternel (égbélé), Akpenu et ses kakpeisi vont dormir chez lui . Le matin de piya mardi, il offre un sacrifice de bénédiction aux ancêtres: hatetina sur une motte de terre: kumodé dans une petite case (nantèe), qui symbolise la présence de tous les ancêtres de la lignée.
L’oncle, en accueillant sa nièce, la présente aux ancêtres en leur rendant grâce de lui avoir donné une vie humaine en plus. Cette vie humaine leur appartient, elle a été accordée par eux. C’est donc leur enfant qu’il leur présente afin qu’ils l’acceptent et l’intègrent au rang des adultes et des ancêtres de la lignée, gardiens de la tradition.
Après cela on immole les bêtes. C’est au cours de cette cérémonie que Akpenu se fait raser les cheveux par son oncle. Après le repas de communion toute la viande des animaux tels que les chèvres, les moutons.. immolés est remise à Akpenu qui de retour à la maison la distribuera à ses beaux-frères et belles-sœurs et aux autres membres proches ou éloignés de sa famille en signe de solidarité avec toute la classe des adultes où elle vient d’être intégrée.
La même cérémonie d’accueil et de présentation aux ancêtres pour demander leur benédiction et leur protection est reprise par le père le jour de Cila (le mercredi), et la mère le jour de mayzay (samedi). Après ces rites chez l’oncle maternel et chez les parents, les oncles comme les parents sont heureux d’avoir accompli leur devoir envers les ancêtres qui leur ont légué ce pouvoir, et heureux aussi d’avoir initié leur enfant au culte des ancêtres.
La fin de la retraite est marquée par la manifestation solennelle des Akpema du village le jour de la fête des prémices aux environs de 17-18 juillet . C’est ce Jour-là qu’on implore dans les sanctuaires cantonaux la bénédiction de Ekolimiè sur tout le Pays Kabyè, en offrant aussi les premières récoltes de la saison: le petit mil sous forme de libations.
IV-La manifestation solennelle
Suivant les cantons et les villages, la sortie solennelle des Akpema (fin de la retraite) a lieu le jour de la fête des premices, le dimanche kujuka ou au lendemain de cette fête hodo: c’est-à-dire le lundi qui se situe, avons-nous dit, vers les 17-18 juillet.
a-Préparations matinales
Dès le matin, la famille de la fiancée apprête tout ce qu’il faut pour la preparation d’un repas à porter à la famille du fiancé ; ce repas appelé kuzaliwe est composé d’une pâte, (une espèce de polenta italienne faite avec la farine de mil) qui se consomme, accompagnée d’une sauce d’arachide au poulet, fortement pimentée et salée, et contenant au moins 25% d’huile rouge faite à partir des baies du palmiers à huile. C’est un grand repas destiné à plus d’une cinquantaine de personnes. Il est accompagné d’une bête (mouton ou chèvre).
Pendant ce temps, d’autres préparatifs se font chez la fiancée. Celle-ci, ( si elle est l’aînée de la famille) se rend chez son oncle maternel pour un nouveau rasage de la tête qui ensuite est enduite d’ocre rouge: payaki-i tolum.
Si la fiancée n’est pas l’aînée de la famille tout se fait dans la maison de la famille paternelle. Alors, les marraines la font asseoir sur un tabouret (kpéré) au milieu de la cour intérieure de la maison et lui mettent les bracelets dits tchangbalaa au bras gauche et une bande de crinière blanche: kpem au pied droit et on lui passe sur tout le corps, de façon presque invisible, le reste de l’ocre rouge utilisée pour la tête rasée. Pour rehausser l’éclat de sa beauté, on lui fait porter des perles. Celles-ci étaient traditionnellement faites de gousses de néré enfilées dont certaines qualités étaient achetées chez les Nawdeba voisins .Depuis le développement des échanges commerciaux, (à partir du milieu du XIX siècle), avec les circuits trans-sahariens et atlantiques, on utilise la plupart du temps des perles de verroterie.Ces perles sont appelées Kpatade. Les initiés portent également une autre ficelle faite de coton cimay, kpenan kpantaba, c’est la ficelle rituelle qui sera détachée chez le fiancé.
Enfin on lui pause un anneau de fer ligbade au cou comme on fait aux kondonaa. Cet accoutrement terminé, on lui apporte le bâton pyrogravé dooka qu’elle appréciera et au besoin, refusera s’il ne lui plaît pas, jusqu’à ce qu’on lui apporte le meilleur artistiquement bien taillé.
Ce bâton qu’on dit être celui des parents, est en fait celui du fiancé. Car c’est lui qui le prépare par avance et le remet aux parents de la jeune fille. C’est pendant ces préparatits précédents les cérémonies d’initiation que la fiancée peut avoir une dernière occasion de dire non à son fiancé en n’acceptant pas les objets rituels accompagnés de paniers de mil; dooka molnm qu’on apporte à ses parents. Si la maman entre temps sait que sa fille a un autre prétendant qui lui fait des cadeaux en cachette, elle cherchera à ce que l’affaire soit réglée avant le moment des cérémonies. Il faut qu’elle dise qui est au juste son fiancé. Si la fiancée ne veut pas du fiancé jusqu’ici reconmu par les parents, elle ne devra pas accepter dooka mulum.
Mais si la fille ne veut rien dévoiler par crainte de réprimandes, elle ne dira rien jusqu’au jour de la rencontre au sanctuaire des vierges, où a lieu le premier échange de consentement. C’est ce matin de la préparation ultime que les marraines Kpankpamin ou maîtresses d’initiation lui apprennent comment il faut tenir le bâton pyrograve. On fait asseoir la fiancée sur un tabouret le bâton fixé entre les deux gros orteils, passe par les doigts des deux mains et monte au front incliné vers le sol. On lui passe deux tresses de cauris qu’elle porte en bandoulière.
b-La Procession vers le sanctauire
Le départ solennel des initiées vers le sanctuaire se fait en procession à partir de leurs maisons respectives, pour se retrouver toutes ensemble au sanctuaire. Elles sont accompagnées de leurs maîtresses d’initiation et de leurs assistantes, auxquelles s’ajoute une foule de sympathisantes. Les solistes entretiennent le climat de joie et de fête par des chants de louange exaltant la beauté physique de la jeune fille parée de ses bijoux , comme pour rehausser la valeur de sa jeunesse de sa virginité juvénile jalousement et fièrement gardée pour son futur époux, les solistes ne cessent de décrire tout ce qu’on peut constater.
Pour leur éviter des mimiques d’où qu’elles viennent, et des sourires que provoqueraient les grimaces des observateurs, on leur met du cure-dent à la bouche, bâton ðórogravé à la main droite qu’elles garderont pendant toute la période des initiations. Elles avancent d’un pas rapide vers le sanctuaire dont les portes leur sont ouvertes officiellement pour la première fois en présence des ancêtres et de Ekolimiè.
c-Le rite de présentation
Les jeunes filles enceinte et les filles-mères n’ont pas accès à ces lieux, on leur fait une cérémonie de présentation symbolique à part. On les fait passer derrière le sanctuaire, c’est à-dire que les non – Vièges ont leur cérémonie en dehors du sanctuaire». L’entrée des filles-mères dans le lieu saint, dit-on, provoque la colère des ancêtres qui envoient les abeilles sur la foule et des calamités naturelles: sécheresse, inondations … Dans le sanctuaire, une des maîtresses d’initiation accrédité à cette fonction reçoit les Akpema l’une après l’autre dans un hémicycle de pierres, elle saisit chacune par les aisselles, la fait s’asseoir puis la soulève pendant qu’une autre ayant en main les feuilles d’une plante de kaluka purifie le siège, le même geste est répété trois fois. Quand la flancée est définitivement assise on lui donne à boire de la bouillie ou de l’eau dans laquelle on a délayé de la farine de mil qu’une autre marraine portait depuis la maison dans un petit pot. Elle fait semblant de boire. mais n’en boit pas, c’est un geste symbolisant l’accueil dans la maison des ancêtres.
d-rite du libre consentement de la fiancée
Les parents retirent à la fiancée assise le bâton pyrogravì dooka qu’elle tenait depuis la maison. Dans ce sanctuaire se trouve le groupe des prétendants inconnus et celui des membres de la famille du fiancé.
Un membre de la famille du fiancé vient présenter le dooka de la famille. Si la flancée est constante, elle reçoit le dooka de son fiancé attitré ou le refuse pour recevoir celui d’un autre prétendant qu’elle veut épouser. En recevant le bâton pyrogravé de son fiancé, elle marque officiellement qu’elle le prend pour époux. Tandis que choisir celui d’un autre prétendant signifie sa préférence pour ce dernier, mais ce choix entraîne des conséquences graves que la mère de akpenu voulait éviter en cherchant à savoir d’avance si sa fille ne préferait pas un autre prétendant. Le choix de dooka par akpenu confirme ou révèle qui est son vrai fiancé. Après le rite du libre consentement de la lancée, la cérémonie se poursuit à un autre endroit par celui de l’épreuve de virginité.
e-Le contrôle de l’état de virginité
A Soutè ce lieu est un peu en retrait du sanctuaire. Il s’agit d’une pierre sacrée dite milaa piè «pierre des fornicatours».
Dans d’autres sanctuaires comme liuyoo à Somdina c’est une hutte avec une petite entrée juste pour le passage d’une tête.
A ce niveau toute initiée ayant déjà connu un garçon ne doit pas s’avancer, elle s’assied au contraire sur une pierre à côté mais non sur la pierre sacrée. On se moquera d’elle mais la moquerie n’ira pas au-delà de l’évènement, car on lui reconnaît sa franchise et son sens du sacré qui consiste à ne pas provoquer d’avantage la colère des ancêtres, l’initiée qui, malgré sa non-virginité se hasarderait à s’asseoir sur la pierre sacrée est chatiée sur place par une sorte d’hémorragie (Esotu) que tout le monde amené à constater. Cet événement n’est jamais oublié car on cherchera à connaître ses parents et sa famille et on en parlera aussi longtemps que les gens se souviendront.
Les mêmes exigences sont observées pour le cas du passage par le trou de la case. Seules les vierges peuvent y rentrer. Les non- Vierges sont coincées en s’y hasardant. C’est ici que se vérifie la virginité de la jeune fille tant exaltée par la soliste pendant la procession . De cette épreuve, les initiées qui sont reconnues vierges sont accueillies avec des cris d’acclamation par leur famille et celle du fiancé. Les uns se réjouissent de la réussite de leur éducation et les autres d’avoir pour épouse une jeune fille modèle par sa fidélité à son époux.
Accueillie avec acclamation par la famille du fiancé, et ses alliées, la fiancée est introduite avec ses kakpeisi chez le fiancé appelé à son tour à donner son libre consentement
f-L’accueil dans la maison du fiancé: rite du libre consentement du fiancé
En sortant du sanctuaire la jeune fille se rend à la maison du fiancé. Cette visite officielle marque son consentement ratifié au sanctuaire. C’est parmi les chants d’allégresse qu’elle y est introduite avec les membres de sa famille qui l’accompagnent. On dit alors: akpema kpema pètè: les initiées sont rentrées chez elles; la maison du fiancé devient désormais la maison de sa fiancée. La fiancée est accueillie à l’entrée de la maison par le chef de famille. Celui-ci sort avec un poussin qu’il présente à akpenu qui refuse le présent en disant que c’est trop grand: may-caa pýsýna pikila-m paylu. Le chef de la famille va chercher un poulet qu’elle n’appréciera pas d’avantage; le même jeu se répète jusqu’à ce qu’on lui apporte un gros coq qui lui plaise. C’est alors qu’elle est introduite dans la maison où va se dérouler le rite d’engagement du jeune homme qui accepte de la prendre pour femme. Quant au coq il est immédiatement tué, tapé contre le sol; dans d’autres localités il est tué le lendemain matin.
g-Le rite de consentement est présidé par les femmes de la maison au nom du fiancé.
Une maîtresse d’initiation de cette maison coupe à la fiancée la ficelle rituelle qu’elle porte aux hanches; une autre lui lave l’ocre rouge de la tête. Le tout est déposé soigneusement dans un récipient. Ce rite montre que désormais elle appartient totalement à son mari en tant que sa femme. Par ce rite la jeune fille et le jeune homme sont liés pour toute la vie et ne doivent plus se séparer. Ce soir-là elle dormira avec ses assistantes dans une seul case, ne mangera rien jusqu’au matin.
Le lendemain matin, la jeune fille initiée et ses assistantes vont chercher des feuille vertes de sorgho ou d’autres plantes pour le bétail qui est retenu par les cordes dans la cour pour les empêcher de détruire les champs. A leur retour on met à leur disposition un pot de boisson, pendant qu’on prépare le repas de circonstance qui clôturera leur séjour chez le fiancé. Les visiteurs aussi ont leur boisson à part. A la fin du repas de circonstance, on donne à akpenu quelques estagnons de mil, de noix de palme, de grains de baobab décortiqués: cudum, du piment, du sel… en plus de la pâte préparée une marmite de sauce d’arachide bien pimentée et condensée d’huile rouge. La poule ayant servi à l’accueil de la veille, est préparée au cours de ce repas, mais ne sera consommée qu’après leur retour à la maison paternelle. En plus ces dons, il faut noter parfois le don d’une ou de deux bêtes (mouton ou chèvre) et d’une poule respectivement destinées aux parents et à l’oncle maternel. La ficelle rituelle kpenan coupée la veille et l’ocre rouge lavée de sa tête, sont ramenées à la maison avec l’ensemble des dons offerts par la famille du fiancé à la fiancée. Le mil servira à la préparation de la boisson de la fête de kýyènna trois semaines après, vers les 8-9 août, et les amandes de palme pour faire de l’huile en vue des beignets à préparer à cette occasion, de même que tous les autres condiments. Si la fiancée revenait chez son fiancé avant la date du mariage, elle est autorisée à y prendre part au repas, en vertu de cette cérémonie d’accueil officiel qui a fait d’elle la femme de la maison. La jeune fiancée est intégrée dans la concession familiale de son futur époux et elle s’y sent chez elle.
Revenues à la maison paternelle, akpenu et ses assistantes se donnent à des activités domestiques et champêtres. Dans une ambiance de fête, les kakpeisi exécutent des chansons populaires qui attirent les garçons après le repas du soir; c’est une occasion pour certains de se faire des amies parmi les kagbeisi, quitte à en faire des fiancées, sur accord des parents des deux amis.
La période d’initiation des jeunes filles constituent un moment privilégié où jeunes gens et jeunes filles peuvent jouer ensemble, et se choisir des fiancés. Dans ces rencontres nocturnes au vu et au su de tout le monde les kagbeisi sont solidaires contre toute agression sexuelle éventuelle d’un garçon qui ne chercherait que l’assouvissement de ses instincts immédiats. Le rôle de akpenu à ce moment est d’être vigilante pour protéger ses assistantes, car en fait, elle est pour ses kagbeisi une sœur aînée dont on attend protection. Son comportement envers elles doit être celui d’une mère. Et la joie de celle-ci leur vient de cette attitude maternelle de akpenu. Sa vigilance doit être accrue d’autant plus qu’il y a des «Don Juan» qui essaient de s’infiltrer dans la case commune pendant que les kagbeisi dorment. Il n’est pas rare que l’initiée soit aidée dans cette garde par un garçon d’honneur déjà initié evalu, appartenant à la famille de son fiancé. Dans ce climat de respect de soi et de l’autre, un garçon surpris en flagrant délit au milieu des filles est rossé par celles-ci sans souci de blessures. Une fille surprise en flagrant délit avec un garçon à l’intérieur de la case ou en dehors est mal vue de ses camarades qui se moquent d’elle par des chansons satiriques. Les rencontres fraternelles d’échanges et de joie sont en honneur mais pas l’immoralité. Puis les cérémonies d’initiation après trois semaines de vie au ralenti, reprennent leurs activités pour la dernière étape vers les 9-10 août, avec la fête de keyenna.